Dans quelques heures, nous allons voguer vers « les brumes du Nord » (on est toujours le nordique de quelqu’un).
Notre remontée a été triomphale. Partout les populations locales avaient hissé les drapeaux et planté les oriflammes. Nous étions évidemment très flattés de cette touchante attention, mais nous avons eu quelques soupçons en constatant que les panneaux publicitaires qui, lors de notre descente, vantaient les mérites d’une lessive ou d’un téléphone portable avaient abandonné leurs préoccupations mercantiles et s’ornaient maintenant uniformément de photos de Mohamed VI.« Sa majesté » y figurait dans toutes les versions imaginables : en veste chic, en gandoura, en uniforme, avec ou sans enfants, avec ou sans épouse, devant le drapeau ou devant un site glorieux … Renseignements pris il s’agissait donc d’une visite que devait faire « le commandeur des croyants » pour voir les aménagements situés entre Casablanca et Essaouira.
Il faut dire qu’il y a de quoi être fier. Nous avions remarqué que dans cette région d’énormes travaux de mise en valeur semblaient en voie d’achèvement. Nous avions vu, le long des routes des kilomètres de tuyaux et constaté que la région entière semblait bénéficier d’une mise en place d’infrastructures et d’irrigation.
Quant à savoir l’heure ou même la date de son passage, tous l’ignoraient. Certains disaient « demain », d’autres « dans quelques jours » et un marin, sur le port, nous confiât même, en réparant ses filets, que le bruit courrait que le roi avait été vu incognito en voiture avec sa soeur dans les rues d’El Jadida.
Le lendemain, le long de l’autoroute jusqu'à Casablanca, il y avait tous les 500m un membre de la gendarmerie royale en grande tenue. « Sa majesté » n’allait plus tarder…
Nous garderons de ce voyage l’impression d’un pays où tout évolue très vite. Un pays contrasté et souvent paradoxal.
Un pays où les quartiers insalubres côtoient les résidences de luxe, où l’on construit encore des bateaux en bois, où d’authentiques bidonvilles sont surmontés de forêts de paraboles, où la traction animale damne encore le pion aux chevaux vapeurs, où les chiens sont rares et marchent souvent sur trois pattes alors que les chats prolifèrent comme les cafards dans une cave humide, et où le nombre des ânes est très supérieur à celui des tracteurs.
En fait, nous avons visité un pays en voie de développement qui ne tardera pas à être développé. Souhaitons qu’il n’y perde pas au passage son charme et sa culture.Nous nous sommes promis de revenir… peut-être ! (J’ai failli écrire « inch allah »)